Steve Jobs La Vie d’un Genie

Biographie de Steve Jobs par Walter Isaacson

Il ne faut jamais cesser d’innover !

Je conseille chaleureusement la lecture de ce livre à tous les entrepreneurs. Et pas seulement aux adorateurs de la firme Apple. Les destins de Jobs et Apple sont liés et tumultueux, comme ceux de beaucoup de vies passionnées. Leurs réussites sont riches d’enseignements.

L’auteur a de son coté une façon bien à lui de rendre le récit passionnant, comme un roman, les personnages vivants et surtout, présente Steve Jobs tel qu’il est, sans complaisance.

Très rapidement en ouvrant ce livre m’est revenu en mémoire un débat philosophique de ma jeunesse sur le rôle de la “personnalité” dans les grands événements historiques. J’ai grandi dans un pays communiste de l’Est, dont l’idéologie dominante était que les “peuples” forgent l’histoire alors que les hommes d’état ou de science ne sont que ceux qui ont eu les lauriers.

La réussite de Steve Jobs prouve tout le contraire.

Bien entendu, il n’est pas le seul. Tous ceux qui ont 50 ans ou plus aujourd’hui, ont vécu cet âge d’or de l’informatique et ont en mémoire quelques noms qui ont fait l’histoire moderne : Bill Gates, souvent cité dans ce livre pour avoir croisé la trajectoire de Steve Jobs, Larry Ellison, William Hewlett, Dave Packard, Gordon Moore, Andrew Grove et bien entendu Stephen Wozniak, l’associé sans lequel Apple n’aurait sans doute pas pu exister.

L’aventure commencée en 1976 par les deux associés représente en 2012 plus de 150 milliards de $ de CA et 70.000 personnes. C’est tout à fait comparable avec son concurrent de toujours, Microsoft, fondé en 1974 et qui représente en 2012 plus de 70 milliards de $ de CA (uniquement en software) et 90.000 employés.

Cette biographie nous fait vivre l’implication personnelle de Steve Jobs dans cette aventure du lancement jusqu’au dernier stade de sa maladie, avec la parenthèse de son éviction qui a mis Apple en péril. Elle montre le lien étroit entre la personnalité de Steve Jobs et la réussite ou les échecs de chacun de ses projets. Sa façon de progresser en fonction de ces expériences.

Au delà du plaisir évident qu’on peut prendre à lire ce livre et découvrir les différents aspects de la vie de l’homme, j’ai trouvé intéressant de noter quelques conseils pour l’entrepreneur, sous forme de citations de Steve Jobs lui même.

Pour entrer en matière je reprendrai cette réflexion qui figure en conclusion de l’ouvrage :

Je déteste les gens qui se disent “entrepreneurs” quand leur unique objectif est de monter une start-up pour la revendre ou la passer en Bourse afin d’engranger de l’argent puis passer à autre chose. Ils n’ont pas la volonté de bâtir une véritable société, ce qui est la tâche la plus ardue dans notre domaine.

Voila comment une apporte une contribution et que l’on perpétue l’héritage de nos prédécesseurs. En créant une entreprise qui comptera dans une génération ou deux.

C’est ce que Walt Disney a fait, ainsi que Hewlett et Packard ou encore les gens d’Intel.

Voila ce que je souhaite pour Apple.

Je retiens qu’on ne peut entreprendre que par passion, comme un artiste qui y consacre sa vie. Ce n’est qu’à partir de là qu’on devient entièrement dévoué à la cause de son entreprise et porteur d’un message qui peut entrainer une équipe.

L’implication de Steve Jobs dans la conception des nouveaux produits, jusqu’aux moindres détails est sans doute un des secrets de leur succès et surtout l’explication d’un modèle unique, intégré et fermé, et pourtant populaire. Voilà le point de vue du PDG d’Apple :

Certains disent : “Donnez au client ce qu’il souhaite” Ce n’est pas mon approche. Notre rôle est de devancer leurs désirs. Je crois que Henry Ford a dit un jour : “Si j’avais demandé à mes clients ce qu’ils désiraient, ils m’auraient répondu : ‘un cheval plus rapide!’ ”

Les gens ne savent pas ce qu’ils veulent tant qu’ils ne l’ont pas sous les yeux. Voila pourquoi je ne m’appuie jamais sur les études des marché.

Notre tâche est de lire ce qui n’est pas encore écrit sur la page.

Une autre caractéristique des activités de Steve Jobs aussi bien chez Apple que chez Next ou plus encore chez Pixar, c’était d’insister sur l’importance de la symbiose entre l’art et la technologie. Dans le monde de l’informatique c’était atypique mais visionnaire. Au sein d’Apple, cela s’est d’abord traduit dans les équipes, puis cela a permis la mise au point de produits culturels et artistiques. Dans ce passage, Steve Jobs explique le rôle particulier de Jony Ive, directeur du design au sein d’Apple :

Ce que Jony a apporté, non seulement à Apple mais au monde entier est gigantesque. C’est une personne brillante dans tous les domaines. …

Il connait mieux que quiconque l’âme d’Apple. …

Il a plus de pouvoir décisionnel que tous les autres cadres de l’entreprise. …

Je voulais qu’il ait cette liberté.

En fait parmi les meilleurs éléments de l’équipe du premier Macintosh, certains étaient aussi des poètes ou des musiciens. Dans les années 1970, les ordinateurs sont devenus un moyen pour les gens d’exprimer leur créativité. D’immenses artistes tels Léonard de Vinci ou Michel-Ange étaient aussi de grands scientifiques.

Les préférences culturelles de Steve Jobs, son double rôle à la tête de Pixar et d’Apple pendant un certain temps, ses critères de recrutement ont fait d’Apple une société à culture ouverte. Apple et sont PDG se sont ainsi trouvés bien positionnés dans la bataille survenue avec la transformation numérique des contenus, aussi bien comme outils préférés des artistes (graphistes, musiciens) que plate-forme d’échange et de consommation des contenus numériques.

Enfin, pour revenir sur la vision stratégique, il est intéressant de constater que Steve Jobs a obtenu les meilleurs résultats pour Apple en prenant des risques sur les produits. Voici sa formulation :

Ma passion a été de bâtir une entreprise pérenne, où les gens étaient motivés pour fabriquer de formidables produits….

Bien sûr c’était génial de réaliser des profits, parce que cela nous permettait de créer de bons produits….

John Sculley avait inversé ces priorités, se donnant pour objectif de gagner de l’argent. La différence est subtile, mais au fond elle est cruciale, car elle définit tout : les gens qu’on embauche, ceux qu’on promeut …

J’ai ma propre théorie pour expliquer le déclin de sociétés telles qu’IBM ou Microsoft. L’entreprise fait du bon boulot, innove et en arrive au monopole ou presque dans certains domaines. C’est alors que la qualité du produit perd de son importance. La société encense les bons commerciaux, car ce sont eux qui peuvent augmenter significativement les revenus, pas les ingénieurs ni les designers. Ainsi, les commerciaux ont fini par prendre le contrôle de la boîte.

John Akers, chez IBM, était un commercial intelligent, éloquent, fantastique, mais il ne connaissait rien au produits. La même chose est arrivée chez Xerox. Quand les commerciaux dirigent la boite, les types des produits ne s’investissent plus autant et une grande partie d’eux abandonnent carrément la partie.

C’est ce qui est arrivé quand Sculley a pris les rênes d’Apple – par ma faute – et le même scénario s’est produit lorsque Ballmer a pris le pouvoir chez Microsoft. Apple a eu de la chance et a rebondi, mais je pense que rien ne changera chez Microsoft tant que Ballmer sera aux commandes.

Bien entendu, il ne faut pas voir là une vision “angélique” mais une gestion des priorités. Ce que je retiens c’est qu’il faut d’abord fabriquer un produit capable de faire la différence sur le marché et ensuite se donner des objectifs de vente.

A ceci il faut ajouter la capacité de Steve Jobs de se concentrer sur les projets les plus porteurs, en élaguant au besoin les produits non rentable. Voici ce qu’il disait sur l’arrêt du projet Newton :

Si Apple s’était trouvée dans une situation moins critique, j’aurai tenté de sauver le Newton. Mais je n’avais pas confiance dans l’équipe qui avait initié ce projet. Il y avait de bonnes idées, mais tout était sapé par un mauvais management. En arrêtant la production, j’ai libéré de bons ingénieurs qui ont pu alors travailler sur la nouvelle technologie mobile. Et l’avenir m’a donné raison, puisque c’est ainsi que nous avons pu sortir l’iPhone et l’iPad.

A son retour aux commandes d’Apple, Steve Jobs fait rapidement le diagnostic d’un portefeuille de produits trop riche et décide de le simplifier avant de relancer l’innovation sur un terrain beaucoup plus large que le domaine initial des ordinateurs. La première diversification se fait dans la musique avec le succès que l’on connait. Pour l’anecdote, voici quelques remarques accueillant son concept du début :

Si Apple continue à défendre son architecture propriétaire, expliqua le professeur en économie de Harvard Clayton Christensen au magasine Wired, l’iPod finira par devenir une niche en terme de marché.

Gates défendait le même point de vue : ” Il n’y a rien d’unique à propos de la musique. Ce scénario s’est déjà joué avec le PC et va se répéter.”

Bien entendu, il serait bien présomptueux de penser que la méthode Steve Jobs puisse être applicable par quiconque d’autre que lui. C’est peut-être sa formule unique, liée à sa personnalité et à son génie.

Il est tout de même agréable de penser que malgré son caractère “difficile” (ou peut-être grâce à lui) il a motivé des équipes d’élite à de grandes réalisations.

Et je retiens aussi un dernier de ces slogans :

“Le voyage est la récompense”

 

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